• JOUISSEZ SANS ENTRAVES!

    A-t-on encore quelque chose à cacher? Aux yeux de qui?

    Mai 68, dernier soubresaut révolutionnaire ou origine de tous nos maux?

    On connaît la critique de l'injonction à jouir. La recherche de l'épanouissement sexuel serait devenu une prescription sociale, édictant ses normes : l'esthétique du corps athlète et le culte de la performance (que le cinéma porno met en oeuvre.) Nous serions pris dans une nouvelle contrainte de la culture de masse, qui nous condamnerait à parler de sexualité en termes quantitatifs (nombre de fois, de partenaires, nombre d'orgasmes, durée, etc.)

    Mais quel serait l'intérêt social de cet impératif à jouir? La question est souvent éludée par cette critique. Essayons d'y répondre :

    _ Etendre l'autorité du discours hygiéniste car jouir sexuellement serait un signe de bonne santé.

    Il y aurait ainsi une économie intime du rapport sexuel, une diététique individuelle adaptée à trouver. Il s'agirait d'une nouvelle norme sociale, un contrôle accru sur l'expression individuelle de la sexualité quand sa répression ménageait paradoxalement un espace de liberté intime. 

    _ L'intégrer aux signes extérieurs de richesse. Faire de l'accès « au sexe » une carotte de choix dans la course à la réussite sociale n'est pas une nouveauté. Mais il s'agirait aussi de considérer le corps comme un bien (ma propriété) à entretenir, valoriser, à bien placer sur le marché, etc. Savoir jouir de son corps, comme de son patrimoine, faire en sorte qu'il rapporte. Vivrait-on l'ère de la prostitution symbolique généralisée des corps - parce que je le vaux bien?

    Mais acheter son image n'est pas vendre son corps. La réalité de la prostitution relève non seulement d'un asservissement sexuel archaïque de la femme par l'homme, mais aussi des formes les plus primaires « d'exploitation de l'homme par l'homme » comme disaient les marxistes du capitalisme. Cette critique, qu'il faudrait qualifier de réactionnaire ou de morale, ne va pas jusque là. Elle repose sur une conception idéaliste du sujet intègre, disposant librement de lui-même, qu'elle partage avec l'utopie libérale qui sacralise la valeur marchande sans limite.
    Comment! Me dira-t-on. Mais le credo du discours libéral  garantit au contraire la plus grande tolérance possible à l'égard de la sexualité. Chacun est libre, dans le domaine privé que défend la démocratie libérale. Que vous soyez hétéro, homo, ou bi, le marché, amoral, vous offre ce que vous demandez : vidéos, objets, accessoires, vêtements, clubs... Cette liberté n'est circonscrite que par le cadre légal qui régit les relations entre adultes consentants et l'argent qui permet de consommer ces produits et ces services. Le capitalisme s'est inventé une nouvelle morale.

    De fait, la vente de sextoys, d'accessoires et de vêtements « coquins et érotiques », voire « fétichistes » est devenue un commerce comme un autre, et même très lucratif.

    De boutique glauque pour « frustrés » vulgaires et autres « obsédés », le sex shop s'est métamorphosé en shopping chic de charme et en réseau d'allées immatérielles déroulant des imageries érotiques rose bonbon ou cuir hard, nous promettant le « développement durable  du couple » (c'est moi qui souligne) ou simplement des sensations nouvelles. Preuve irréfutable, par le marché, que la libération sexuelle est un acquis social de la démocratie libérale, grâce à son entrée dans le circuit pérenne de la consommation de masse? Traduction économique de l'effacement du tabou sexuel?

    Le libertin lui-même serait moins libertaire que libéral au sens contemporain, c'est-à-dire qu'il associe liberté individuelle et économique. D'ailleurs, le libertinage contemporain, dans ses formes sociaux-économiques organisées (boites de nuit, clubs de rencontre, campings...) n'opère-t-il pas de fait une sélection par l'argent? La libération qu'il propose repose véritablement sur le repli d'un entre-soi, une clôture socioculturelle. N'y entend-on pas des discours de haine et d'exclusion sous les formes banales du racisme ou du mépris de classe?

    Que deviennent, dans ces conditions, les attentes suscitées par l'expression libération sexuelle? N'y entend-on plus que libération de la sexualité, et non plus libération par le sexe, émancipation de l'individu, transformation sociale? Les freudo-marxistes concevaient en effet la libido comme énergie de réserve alimentant le désir de révolution, et comme dénominateur commun du plus grand nombre.

    Les murs de mai 68 ont affiché l'égalité devant le sexe, comme les danses macabres du Moyen Age représentaient l'égalité devant la mort.

    « Jouissons sans entrave », ce mot d'ordre d'une révolution culturelle n'était-il qu'un slogan publicitaire en avance sur son temps?

    Faites-vous plaisir, essayez de nouvelles sensations, reculez les limites de votre jouissance, n'est-ce pas ce à quoi nous invite à chaque instant la société de consommation? En passant de la première personne du pluriel (nous, qui implique le locuteur) à la deuxième (vous, qui le fait disparaître derrière l'incitation.) Et si le capitalisme a triomphé du marxisme, n'est-ce pas d'avoir réalisé techniquement cette libération-là?
    Machines, vêtements, denrées, objets usuels, services... tout est vendu comme résultat d'une technique, d'un concept opératoire. Pourquoi pas le sexe? Pourquoi pas l'amour? Pourquoi pas l'érotisme?

    Comment demander une augmentation? Comment sauver votre couple? Comment l'épanouir ? Comment faire une sodomie? Un cunnilingus? Êtes-vous prêt(e) pour l'échangisme? Le SM?

    Les réponses à toutes ces questions sont des modes d'emploi. La pensée opérationnelle que dénonçait Marcuse dans L'homme unidimensionnel a vraiment envahi tous les aspects de notre existence. Le marché de l'érotisme équivaut-il à une démocratisation ou à une massification du libertinage? C'est curieusement la même question que pour l'éducation. Et c'est sans doute une question d'éducation. Et même prioritaire.

    Evidemment, on ne peut que se réjouir de la facilité d'accès aux informations techniques les plus triviales, aux objets les plus inattendus : l'érotisme est affaire de culture, de pratiques et de savoirs.

    Dans un reportage sur la sexualité des "jeunes", une jeune femme, assumant la recherche du plaisir avec des partenaires d'un soir, parle en toute liberté, avec naturel. Dans la description « sans tabou » qu'elle fait de ses aventures, elle confie à la caméra qu'elle ne comprend pas tout ce qu'on fait autour de la sodomie, qu'elle trouve désagréable mais à laquelle elle s'adonne car elle sait que c'est attendu de ses partenaires, à qui elle veut « donner le meilleur. » Le meilleur de quoi? Du sexe, d'une représentation codifiée, presque ritualisée, de la relation sexuelle, qui nécessite un sacrifice? Le sacrifice de la femme qui donne le plaisir?

    Témoignage anecdotique, marginal, extrême?

    Combien de femmes simulent-elles l'orgasme, pour faire plaisir?

    Combien d'hommes restent-ils insatisfaits de ce qu'ils "font au lit"?

    Combien de couples ne font plus qu'occasionnellement l'amour, n'y cherchant plus grand chose?
    Vivre dans l'évidence de la jouissance empêche paradoxalement d'en parler. De parler de la sienne, barré de l'image de celle des autres, c'est-à-dire par une représentation de ce qu'elle doit être.
    Aborde-t-on sans gêne (sans rires triviaux appuyés de circonstances) le sujet de la sexualité entre couples d'amis? Pourquoi est-il plus facile d'en parler seul à seul, avec un(e) ami(e), son psy, un(e) collègue de travail, voire un(e) inconnu(e)? Plutôt que devant celui, ou celle, avec qui on vit sa sexualité?
    Je ne dis pas qu'on n'en parle pas avec lui ou elle.
    J'écris qu'on n'en parle pas devant lui ou elle.
    La pudeur, ou la gêne, réside dans le fait d'en faire le témoin de notre discours. Ou, au contraire, comme s'il était le témoin gênant de la scène privée que nous voudrions mettre en récit. Comme si à tout moment un tel récit pouvait nous accuser à ses yeux, ou notre partenaire nous accuser aux yeux de tous.

    A-t-on encore quelque chose à cacher? Aux yeux de qui? Notre culture libérale a-t-elle libéré l'amour sexuel du sentiment de culpabilité? Ou bien a-t-elle reconfiguré leur association millénaire?

    Comme l'écrit Baudelaire, la plus belle des ruses du diable est de vous faire croire qu'il n'existe pas.


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  • Commentaires

    1
    Dimanche 25 Décembre 2011 à 09:36

    Bonjour,
    J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le texte du 11 septembre et celui du 23 octobre.
    Avec mon amie, nous avons depuis plusieurs années des pratiques comme celles évoquées en particulier dans le dernier texte du « déplions le sexe ».
    Nous écrivons et lisons beaucoup autour de cela et somme sensibles aux discours qui essayent d’en parler. Nous rencontrons régulièrement des textes qui nous paraissent biaisés soit du fait des positions « idéologiques » de départ, soit plus souvent (et les deux vont souvent ensemble) par le fait que les auteurs (par exemple des psy, des sociologues, des journalistes) parlent de tout cela « de l’extérieur » (même quand sans doute ils en ont eux-mêmes une pratique, mais dont ils ne parlent pas et qui restent « secrète »). Nous avons par exemple été étonnés de la bêtise d’un long travail de « sociologie » (Daniel Waltzer-Lang : « La planète échangiste »), auquel nous avons eu envie de « répondre » par des interviews de personnes « pratiquantes » (!), pour faire entendre d’autres voix (nous publions tout cela sur notre site philoqueer.net ).
    Je retrouve en partie ce problème dans les textes de « déplions le sexe » (dont le titre est pourtant un beau programme).
    Par exemple :
    Parler du libertinage comme dominé par la « sélection par l’argent » me paraît discutable. Comparés par exemple au prix d’un match de foot ou d’un concert d’une « vedette », voire d‘un simple restau, je ne crois pas que les tarifs d’entrée soient un facteur d’exclusion. Ces tarifs peuvent d’ailleurs être très bas, par exemple dans des lieux où les consommations sont payantes et où le droit d’entrée, en tous cas pour les couples, est en-dessous de 20 euros… C’est le plus souvent gratuit pour les femmes…Et plus cher pour les hommes… Bref, je crois que cette « information » est inexacte. Alors pourquoi laisser croire cela? Cela participe d’un discrédit de pratiques qui ont du mal à exister et que certains voudraient voir disparaître (il vaut mieux que chacun baise chez soi et entre soi ?).
    Justement, de même l’idée que ces lieux seraient des lieux de « l’entre soi », et d’une « clôture », et de discours de « haine » et « d’exclusion » et de « racisme », ou de « mépris de classe »… Dans ces endroits, nous rencontrons des gens de milieux très différents, de goûts très différents, d’âges très différents, et dans une proximité comme nulle part ailleurs…Les mots utilisés ici pour parler de ce phénomène social me paraissent plus relever d’un reportage sur les pratiques religieuses que sur les pratiques libertines… (mais c’est vrai que parfois certaines religions révèlent des mœurs sexuelles, que nous n’avons jamais vues dans les lieux libertins!)
    Je trouve qu’il faudrait « justifier » ces mots là: de quel(s) lieu(x) ce texte parle-t-il, peut-on avoir les adresses ou les sources? Peut-être que cela existe, mais pour ma part ce qui est écrit là ne correspond pas du tout à ce que je connais.
    Faute de quoi, ce discours participe des représentations antilibertines, antilibertaires, antisexe et finalement très néolibérales, voire conservatrices, réactionnaires, et moralistes, et je trouve cela très inquiétant.

    Et cela relève peut-être bien de représentations qui font que justement arrivent des phénomènes comme ceux évoqués à la fin du texte, de récit impossible du sexuel, sans voir le rapport entre la manière de parler ainsi du libertinage et les « silences » sociaux sur le sexe, et tout cela finalement devient à son tour une « ruse du diable » (qui est de faire taire).

    De fréquenter et pratiquer ces lieux et milieux là, me rendrait sans doute plus prudent dans la manière d’en parler, et par exemple il faudrait parler de l’écart entre ce qui est dit et ce qui est fait.
    Car le S/M, l’échangisme etc. mobilisent des enjeux subjectifs et pas seulement « imaginaires » : aller dans ces lieux avec seulement de « l’imaginaire », ou pour « être à la mode », je crois que cela expose à de très lourdes déconvenues et, nous l’avons vu autour de nous, cela ne dure pas longtemps. Ces gens là disparaissent très vite, ou leurs pratiques s’épuisent très vite. Il y a d’ailleurs une histoire de ces pratiques, qui évoluent selon les personnes: nous ne faisons plus ce que nous faisions « au début », et nous avons aujourd’hui des pratiques que nous n’ « imaginions » pas du tout au début. Nous avons évolué et changé en échangeant, et nous avons vu autour de nous de nous des couples faire de même.
    Je pense par exemple que la « clientèle » des clubs est complexe, qu’il y a un « turn over » qui peut-être est en lien avec l’expérience que certains font du décalage entre ce qu’ils imaginent et ce qu’ils trouvent: passer du fantasme à la « réalité », c’est à cela qu’on s’expose lorsqu’on a des pratiques comme celles-là, c’est une aventure qui peut être extraordinaire, elle peut faire accéder à quelque chose de soi et de « sa » sexualité sans doute impossible autrement, mais cela ne marche évidemment pas si on reste dans le « fantasme », ou plus exactement si on sacrifie la réalité au fantasme.

    Bref, je trouve dommage de parler de cela comme cela, et il me semble qu’un des « garde fou », si on veut déplier le sexe, est de le faire à partir de son propre sexe (ou de sa propre sexualité).

    Sinon, je crois que les choses sont vite caricaturées, et qu’à force de vouloir « clarifier », certaines oppositions deviennent des fausses contradictions (si je peux me permettre de dire cela).
    Par exemple, « libération de la sexualité » et « libération par le sexe » sont des formules qu’il n’est peut-être par vraiment possible d’opposer. Dans les pratiques libertines dont je parle, en tous cas, les deux dimensions sont très intriquées, et l’émancipation de l’individu passe aussi, je crois (ou en tous cas peut passer) par sa transformation « sociale », que ces pratiques produisent aussi, dialectiquement (et certes pas mécaniquement).
    Ces pratiques qui ne sont pas « magiques » et en elles-mêmes « libératrices ». Mais elles ne sont pas non plus en elles-mêmes réductibles à ce jeu de dupe « capitaliste » ou idéologique.
    Actuellement, avoir une sexualité n’est pas facile. Il ne suffit pas d’aimer pour que le désir se soutienne, et les « ruses » « diaboliques » sont autant du côté de l’amour que du sexe. Et critiquer de cette façon les pratiques de ceux qui essayent de « faire autrement » (et qui d’ailleurs, justement, de ce fait, arrivent peut-être mieux à parler de sexe « devant l’autre ») me semble faire courir le risque de simplement renforcer la culpabilité autour de tout cela. Et les « vraies » contradictions restent de ce fait silencieuses…

    Sur notre site philoqueer, nous essayons parfois d’expliquer cela, et par exemple le fait qu’il y a un rapport possible entre les questions de sexe et les questions de genre, qu’il y a effectivement des enjeux socio-politiques (par exemple les mouvements LGBTIQ) dans les enjeux sexuels, et inversement. Il y a un beau texte qui est paru aussi sur cela, de Didier Eribon : « Retour à Reims », et « Retour sur retour à Reims », où il s’interroge sur le rapport entre sa libération « sexuelle » et son silence de « classe », et comment il peut revenir sur cela – en particulier depuis la mort de son père…
    Il serait naïf de croire qu’il n’y a pas d’enjeux idéologiques et même économiques sur ces pratiques. Mais ces enjeux sont justement « rusés », et pour ma part je pense qu’on peut faire une démarcation entre les critiques « pro sexe » et les critiques « antisexe », dont les finalités sont opposées.
    Par exemple, une critique très fine et très forte de ces pratiques peut se lire dans le livre récent de Beatriz Preciado « Pornotopie », où elle relie l’histoire de « Playboy » au contexte des années 50/60. Ou bien son livre précédent, extraordinaire, « Testo-Junkie: sexe, drogue et biopolitique », qui décrit le développement de la « porno pharmacologie » et ses ramifications dans nos représentations.
    Bref, je crois qu’on peut à la fois être « libertin » et « libertaire », ou en tous cas avoir une conscience politique et une pratique de la sexualité. J’ai même plutôt un doute dans l’autre sens : je crois que les discours « politiques » qui ne sont pas aussi « sexuels », et que les discours sexuels qui ne sont pas « branchés » sur la sexualité de ceux qui les tiennent, sont vite guettés par des positions qui « replient » vite fait le sexe…
    Lors de débats auxquels nous participons parfois, une des choses qui apparaît actuellement le plus nettement (de mon point de vue) est la nécessité, pour parler de la « vie affective et sexuelle » comme ils disent parfois dans ces milieux, d’utiliser des discours qui tiennent compte de la complexité et de la subtilité des questions de genre et de sexe, et du ridicule des discours médicaux, psychologiques ou sociologiques surplombant. La place que peut y avoir la littérature, la philosophie, les témoignages etc, y est d’autant plus importante.

    Je pense que « déplier le sexe » est un beau programme, oui, mais que cela ne peut qu’être difficile si on oppose ceux qui le déplieraient « mal » et ceux qui (du même coup…) ne le déplient jamais – en tous cas « devant » l’autre…

    - Catpat – (catpad@voilà.fr)

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    2
    guillaume- Profil de guillaume-
    Dimanche 25 Décembre 2011 à 09:39

    Cher Catpat,

    D’abord merci pour cette réponse étoffée. Je dois faire une précision, vu le terrain sur lequel tu m’emmènes. Ce texte voulait parler de libération, pas uniquement de libertinage. Le premier comprend le deuxième, mais ne s’y réduit pas.

    Le libertinage, des goliards (qui au XII ème siècle désignent des moines errants, des prêtres sans charges, bref des clercs « libres d’esprits ») au Marquis de Sade (dont chacun connaît l’oeuvre scandaleuse, au moins de réputation), prend effectivement sa source dans les milieux religieux et se développe parmi les élites, sociale et intellectuelle. D’ailleurs, si le mot libertin a un sens, c’est bien celui de désigner quelqu’un qui est aussi libre de pensée que de moeurs.
    A ce titre, on ne peut réduire le libertinage à l’échangisme ou au BDSM. En revanche, les pratiques échangistes ou BDSM, gardent quelque chose du retrait monastique, de l’esprit de secte, etc. Il se trouve que l’auteur de ces lignes a lu pas mal sur la question (y compris des récits de témoignages), a déjà eu l’occasion de pénétrer dans certains de ces lieux, et discute régulièrement avec certains adeptes qui pour certains sont mêmes, comme vous, des prosélytes.
    Mon discours ne repose donc pas seulement sur des préjugés rétrogrades mais sur un intérêt réel pour ces pratiques. Je remarque cependant que ceux qui se posent en défenseurs se comportent vite en censeurs. Pour être autorisé à en parler, il faut vite montrer ses quartiers de noblesse, ou avoir fait sa communion, sinon on est relégué dans le rang des non-initiés dont on ferait mieux de ne pas sortir.
    Un exemple, pour les tarifs d’entrée, je conseille lecteur de faire le tour par internet, il jugera ainsi facilement de la fiabilité des sources. Au passage, c’est marrant l’argument selon lequel le peuple va nécessairement voir des matchs de foot ou au concert des « vedettes. » Le pauvre, il a toujours son opium. Mais qu’il ne vienne pas mettre son nez dans ce qu’il s’interdit à lui-même de faire! ça illustre assez bien un certain mépris de classe, non?
    Pour ce qui est de décerner le prix du plus réac, je pense pour ma part que quelques-uns comme toi continuent à ne pas voir que la libération de la sexualité se réalise dans la société libérale, mais que la société libérale ne libère pas. Ou peut-être une élite qui a les moyens (financiers et intellectuels) de vivre sa sexualité selon un modèle de liberté qu’elle se donne à elle-même. Mais la possibilité de vivre librement, à l’écart, c’est bien la société libérale qui l’offre.
    Par ailleurs, je ne pense pas que la sexualité soit tout ou que tout s’y rapporte. Juste que le sexe peut être un moyen de se libérer. mais que c’est aussi une puissante arme d’assujettissement.
    En ce sens, on peut distinguer il me semble libération de la sexualité et libération par le sexe. La confusion des deux est même un problème majeur de notre époque, à mon avis.

    3
    Raphcay
    Dimanche 25 Décembre 2011 à 09:42

    « Poster une réponse »? … non… juste un début de réflexion… ou peut être une façon de botter en touche face à la multitude et la complexité des questions soulevées…
    Pourquoi n’en parlons nous pas « devant lui ou elle »? par crainte que l’autre (lui ou elle), à son tour, dévoile une part de l’intimité du couple…?… ou, autrement dit, afin de rester « libre » , maître , de ce que l’on choisit de dire ou non, de dévoiler ou non au regard social… jusqu’où sommes nous prêts à nous exposer?

    4
    guillaume- Profil de guillaume-
    Dimanche 25 Décembre 2011 à 09:43

    Si je comprends bien, ce serait par pudeur en somme. Par volonté de préserver une part inconditionnelle d’intimité, un jardin secret où nous n’admettrions qu’une personne de temps à autre, et toujours pour une visite limitée. Cela pourrait en quelque sorte ressemblait au jardin d’Eden avant la chute, avant la « découverte », par le fruit défendu de l’arbre de la connaissance, de la nudité et de son caractère sexuel coupable.
    Ou plutôt, l’intimité pourrait demeurer, en dehors du péché qui a marqué la nudité au fer rouge de la honte durant des siècles, un espace précieux de subjectivité. La conscience de soi et de l’autre exigerait aussi de l’ombre et du silence, des plis et des replis, du secret au sens étymologique du terme. Non pas ce qu’on cache, mais ce qu’on laisse filtrer, comme l’araignée sécrète sa toile. Nos relations sociales sont autant de fils que l’on tisse.
    Mais nous vivons aussi dans la critique qui nous dit qu’on se fait attrapper. L’intériorité serait une résistance morale, le sujet une illusion, la pudeur un sentiment contre-révolutionnaire. On a hérité d’un surmoi 68tard qui nous répète que si on n’ose pas se mettre à poils devant les autres, au propre comme au figuré, c’est qu’on reste coincés, irrécupérablement petit-bourgeois.
    Voix irréconciliables, voies en sens uniques qui mènent à l’impasse dont, je pense, notre génération n’est pas sortie.

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