• Tu seras un vrai mec, mon petit gars !

     

    De la résistance des femmes au féminisme.


    En  réponse à mon article "il est plus dur pour un homme...", A!  écrivait :

     

    "Pauvre homme, certes il est difficile d'être un homme, un vrai, qui soit confronté chaque jour à l'intelligence culturelle féminine. Mais qu'en est-il réellement de la libération des petites filles? Bien sûr les parents bienveillants et soucieux de promouvoir l'égalité des sexes et  l'émancipation de la femme ne leur refusent plus l'accès aux petites voitures, bus,  garages, soldats, déguisements de chevalier ou d'indien. Mais les petites filles s'autorisent-elles à jouer au foot le midi avec les garçons quand leurs copines ne sont pas là à l'heure de la cantine? Pas toujours. Ne se sentent-elles pas blessées, dénigrées quand ces mêmes petits garçons se moquent d'elles parce qu'elles sont "nulles au tennis" et obligées de jouer contre eux? Ce sont toujours les mêmes représentations qui perdurent; "ma" fille âgée de sept ans dit aussi que ce sont les petites filles qui réussissent le mieux à l'école, même si "ça dépend quand même des personnes".

    Mais ces jeux, sportifs et violents encore réservés aux garçons, encore, ne sont-ils pas précisément ceux qui préparent le mieux l'individu à se battre dans le monde capitaliste? Ne faudrait-il pas, au lieu de plaindre les petits garçons à qui on ne réussit à donner ni le goût d'écrire ou ni celui de coudre, apprendre aux filles à se battre et à taper dans des balles? Sûrement que si. Sinon comment expliquer que ces flemmards de garçons, une fois sortis du lycée et devenus des hommes, des mecs, soient encore ceux qui gagnent le plus d'argent, ceux qui dirigent les plus grandes entreprises, ceux qui décident de lapider les femmes adultères à certains endroits, en bref ceux qui ont le pouvoir et l'argent, partout ou presque? Ils continuent de dominer massivement les femmes, et en plus il faudrait s'apitoyer sur leur petite enfance et déplorer l'éducation qu'ils ont reçue? Je trouve ça un peu violent, mais je suis une femme et j'ai bien reçu une éducation de petite fille qui aime lire. La question serait plutôt: dans ce monde aujourd'hui, tel qu'on le connaît, l'éducation que l'on continue de  donner aux petites filles leur permettra-t-elle de jouer à égalité avec les hommes plus tard? Ou alors, mieux, pour changer le monde, ne faudrait-il pas donner aux petits garçons l'éducation que l'on donne aux petites filles? Les hommes seraient-ils donc bien les seuls garants de ce système (à quelques exceptions près, homme ou femme d'ailleurs)?"



    Un discours féministe éclairé se doit d’ironiser sans trêve sur l’hypocrisie et la mauvaise foi des hommes devant les inégalités criantes qui perdurent. Cela ne relève plus de la prise de conscience (tout le monde en parle) mais d’une revanche jouissive dans l’ordre, symbolique, du discours. L’ironie est l’arme des opprimés, il ne faut pas s’en priver.

    A condition toutefois de ne pas préférer l’arme au combat.  J’ai l’impression que pour ce féminisme, remettre en cause l’assimilation de l’identité masculine à la domination du même nom, c’est prendre le risque de perdre de vue la cible identifiée.

    Ne serait-ce pas une résistance du féminisme à sa propre logique ? On ne naît pas femme, on le devient, mais un homme reste un homme, c’est-à-dire l’incarnation de la domination, quoiqu’il advienne !

    Les femmes, y compris celles qui revendiquent l’égalité des droits, semblent peu disposées à toucher à l’identité masculine, dont le caractère dominateur serait définitoire, voire définitif.

    Les enquêtes sociologiques révèlent, par exemple, que les mères sont plus réticentes que les pères à ce que leur petit garçon fasse de la danse classique. Est-ce à partir de la même observation que faisait A ! dans son commentaire  de la société capitaliste dans laquelle il faut savoir donner des coups, qu’une mère préfère voir son petit garçon s’endurcir pour tenir son rang ? Dans l’histoire de ce petit garçon, l’exigence sociale sera plus forte, mieux ancrée, d’avoir d’abord était pression (maternelle) affective : « sois un mec, mon petit gars. »

    Il faut bien distinguer ici, ce que le sens courant ne fait pas souvent, la tapette, le couilles molles, et même la pédale de « l’authentique » (si je puis dire) homosexuel.

    Si l’homosexualité masculine est crainte davantage par les parents, c’est, à en croire les parents eux-mêmes, qu’elle contrecarre le désir de descendance. Une telle crainte, et le risque d’intolérance qui en découle, devrait facilement être apaisée par le droit au mariage et à l’adoption des homosexuels…

    Mais le petit garçon qui échoue à devenir un vrai mec représente une autre crainte, celle du déclassement ou de la marginalisation. C’est la honte du fils raté, looser, souffre-douleur : celui qui ne fait pas honneur au nom. (Il ne s’agit pas seulement de transmettre le patrimoine, il faut aussi se montrer digne de sa relève. )

    L’homme qui se laisse faire, perd sa valeur de « vrai mec » dans la passivité, comme le noble dérogeait à la noblesse dans le travail.

    Alors, toujours pour reprendre les exemples de A !, le petit garçon apprend à se moquer de celui, et encore plus de celle, qui ne sait pas frapper dans la balle, à dissuader, par la moquerie, les petites filles d’être des concurrentes de plus sur un terrain déjà bien encombré.

    Pourra-t-on modifier cette attitude des garçons, et donc améliorer leur reconnaissance de la place des filles ( à égalité) avec eux, tant que l’un des principaux buts de leur éducation sera d’en faire « de vrais mecs » ?

    Mais les femmes elles-mêmes désirent-elles des hommes qui ne soient pas de « vrais mecs » ? C’est à-dire des hommes qui ne s’affirment pas par leur force physique ou morale, qui ne brillent pas par leur intellect ou leur position sociale ?

    Les femmes qui réclament l’égalité de droit, dans l’ordre hétérosexuel, ont-elles cessé de se soumettre, dans leur désir d’amante, de mère ou de fille, à l’image de l’homme dominant ?

    N’est-ce pas cette image-là que l’idée des hommes dominés par la domination masculine vient froisser ?

    L’homme dominé, voyons ! Encore une ruse de dominateur pour nous attendrir, nous désarmer, nous manipuler !


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