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    Politique de la grippe A ou nettoyez-vous les mains au karsher.

    L'épidémie est sûre : nous y sommes préparés.

    Le virus étend sa toile d'araignée partout dans le monde. Tout le monde sera touché, chacun sera concerné par les mesures prophylactiques préconisées par les pouvoirs publics. L'Etat assure son rôle de protection de la collectivité.

    Pourtant la médiatisation de cette épidémie et de sa prévention font débat : on lui reproche son excès. Ne nous alarme-ton pas pour mieux nous rassurer ("Nous sommes prêts" a osé déclarer le premier ministre) ?

    Notre santé, et donc notre vie, n'est-elle pas menacée par bien d'autres choses?

    Le cancer tue chaque année des centaines de milliers, voire des millions de personnes dans le monde. On sait que l'explosion des cas est liée à la dégradation de notre environnement, et au modèle productiviste que sous-tend la société de consommation. La couverture médiatique de cette réalité n'est certes pas proportionnelle à celle de ce nouveau virus. On nous informe peu, par exemple, sur les produits et les zones cancérigènes. Le ministère de la santé nous invite même à manger cinq fruits et légumes par jour "pour être en bonne santé", sans mentionner la dose moyenne d'insecticide qu'un tel régime comporte. (Et pour cause, les études en ce sens sont peu encouragées.) Le développement récent de la nanotechnologie permet la mise au point de centaines de nouveaux produits tous les ans, commercialisés avec un contrôle sanitaire indépendant dérisoire. Sans parler du test grandeur nature de la téléphonie portable sur la population mondiale, qui en réduit certains à prendre des précautions dont le futur fait accompli dira si elles étaient superstitieuses ou salutaires ou nettement insuffisantes.

    Cette ignorance ou cette indécision chez le consommateur est plutôt le symptôme d'une démission des pouvoirs publics face à ses responsabilités et d'un fâcheux penchant à faire passer les intérêts privés des grands acteurs économiques avant l'intérêt général (ici la santé, et donc la survie, du plus grand nombre.)

    Pourquoi alors en faire autant avec les risques de propagation de cette grippe mutante?

    Il est vrai que cette crise sanitaire annoncée succède à une crise économique que peu avaient prévue. Et que tant qu'on parle de la première... Cette critique passe cependant à côté d'un paradoxe. L'homme du 21ème siècle serait capable d'anticiper les dangers naturels et incapable de prévoir ceux que lui font courir sa propre activité. La crise économique est devenue un fléau parmi les maladies, les tremblements de terre, tsunamis et autres cyclones.

    En renversant la perspective, je dirai que la grippe A est un virus "libéral", la métaphore d'une politique de gouvernement.

    La méthode de prévention l'illustre le mieux. Les mesures les plus spectaculaires envisagées (fermeture des écoles et des universités, contrôle de l'accès aux hôpitaux, interdiction des rassemblements et des événements culturels) touchent précisément les secteurs que le pouvoir - les forces réellement au pouvoir - s'emploient à raser depuis des années : l'éducation, l'accès au soin, la promotion de la culture. Et comment mener une lutte sociale dans un tel climat?

    Mais avant d'en arriver là, et même si on n'y arrive pas, il y a les précautions individuelles : le masque, les solutions hydroalcooliques - l'hygiène personnelle contre la sale maladie. Les précautions à prendre dans les endroits très fréquentés, en public. Et voilà l'idéologie "libérale" complice de la maladie contagieuse dans son rejet de la sphère publique. Et on voit mieux comment la grippe A sert les vues sécuritaires qui nous gouvernent, dans le rapport à l'autre qu'elle instaure : une méfiance viscérale.

    Et même une crainte paranoïaque car le danger vient de là, de l'autre, n'importe qui, celui dont le contact, la proximité devient vecteur potentiel de contamination : autrui conspire à ma perte par sa simple présence. Croire ou faire croire que le danger vient de l'autre, n'est-ce pas le principe qui préside à la politique sécuritaire du traitement des immigrés clandestins, des jeunes délinquants des banlieues, des fous, des plus pauvres et de toute forme de contestation, d'opposition? C'est de l'autre qu'on se protège en l'enfermant, en l'expulsant, en creusant l'écart, en le remettant à sa place ou en la lui faisant perdre...

    Avant de s'appeler A comme anonyme, ou comme autre, ne fut-elle pas mexicaine puis porcine cette grippe? De l'étranger à l'étrange, à la menaçante animalité, à l'hostilité naturelle, ne fallait-il pas effacer le pas trop vite franchi?


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